Dans la dernière décennie de 1837, la population du Haut-Canada a doublé pour atteindre 397 489 habitants, cette croissance étant due à des vagues de gens pauvres déplacés, « l’excédant de population » des îles Britanniques.
Entre 1831 et 1835, au moins un cinquième de tous les immigrants arrivaient totalement démunis. À Toronto, un bidonville se formait rapidement sur les plages et le long de la rivière Don.
IEn 1831, les 3 000 citoyens de Toronto chassèrent un bateau à vapeur transportant 250 émigrants que l’archidiacre Strachan a décrit ainsi :
« la plus basse classe de pauvres accompagnée de petits enfants sans défense qui semblaient dans la misère et la pauvreté comme nous n’en n’avions jamais vues auparavant dans la classe ouvrière anglaise ».
- Strachan s’adressant à Colborne, le 5 septembre 1831 [ citation tirée de Johnston, H. J. M. British Emigration Policy 1815-1830: “Shovelling out Paupers” (Oxford, Clarendon Press, 1972) ]
Les bateaux à vapeur naviguaient dans les eaux du lac Ontario au début des années 1930 transportant de nouveaux pionniers dans une direction et les produits de la ferme vers une autre
La situation de ces pauvres gens empira en raison de changements apportés à la politique coloniale qui mettaient fin à la concession de terres gratuites. Ces immigrants destitués arrivaient sans emploi, sans maison et avec peu d’espoir. Peu d’espoir, mais pas dans le village de Hope (maintenant appelé Sharon) où l’on construisait le Temple.
Deux de ces pauvres immigrants qui ont été attirés vers Hope étaient les anciens soldats James Kavanagh et James Henderson. Ils furent attirés par les Enfants de la paix et pourtant on se souvient surtout d’eux comme victimes des Rebellions de 1837. Qu’est-ce qui aurait pu amener de pauvres immigrants comme eux, d’anciens soldats ayant juré de défendre leur empire, convertis à une religion pacifique à prendre les armes contre leur roi?
Peinture du célèbre architecte de Toronto, John G. Howard, illustrant la place publique sur la rue King. On peut voir la prison (à gauche) et le nouveau palais de justice (à droite).
Le fait d’être à ce point pauvre pouvait vous conduire en prison au Haut-Canada. Entre 1833 et 1835, 379 des 943 prisonniers incarcérés dans le district de Home étaient en prison en raison de dettes. Le nombre de personnes emprisonnées pour dette reflète les montants insignifiants pour lesquels les débiteurs pouvaient être détenus indéfiniment comme le montre une citation de John Woolstencroft, un débiteur incarcéré dans la prison de Toronto :
« Dans un certain sens, notre situation est plus effroyable que celle d’un prisonnier criminel incarcéré pour meurtre, il a droit à une paillasse, à des couvertures, à du pain et à du carburant, il sait également quand arrivera la fin de sa sentence alors que nous pauvres diables qui sommes emprisonnés pour une dette de peut-être 2£…nous n’avons même pas un banc pour nous asseoir, ni une tablette ou une armoire pour y mettre un pain, nous n’avons même pas une paillasse pour nous coucher ni couverture pour nous couvrir ni feu pour nous réchauffer »
- CColonial Advocate, le 22 décembre 1831.
La situation a empiré en 1837 lorsque le nouveau lieutenant-gouverneur, Sir Francis Bond Head, a insisté pour qu’on promulgue une loi permettant à deux juges de paix d’incarcérer indéfiniment tout « vagabond » sans emploi.
La pauvreté avait également ses conséquences politiques. Les votes se faisaient ouvertement, il n’y avait pas de scrutin secret. Les marchands pouvaient exiger que leurs débiteurs votent comme ils le leur disaient ou les menacer de les mettre en prison s’ils refusaient.