Daniel Hill III a présenté une demande d’admission aux études supérieures à l’université de Mexico et à l’Université de Toronto, se promettant d’aller là où on l’accepterait. L’université de Mexico n’a jamais répondu à sa demande, mais l’Université de Toronto l’a accepté dans son programme de maîtrise en sociologie à la Faculté du travail social. En 1950, Daniel Hill III a quitté les États Unis, il est monté dans un autobus, a traversé la frontière et a entrepris des études supérieures à l’Université de Toronto.
À son arrivée à Toronto, Daniel Hill habitait dans une maison de chambres sur la rue Pembroke. Il était étonné de voir que comparativement à Washington, où il y avait beaucoup de Noirs, il y en avait relativement peu à Toronto. Il avait l’habitude de dire qu’il lui arrivait souvent de se rendre à l’Université de Toronto et d’en revenir à pieds sans rencontrer un autre Noir sur la rue.
Après avoir terminé sa maîtrise à l’Université de Toronto, Daniel Hill est retourné aux États Unis où il a habité à Washington. une année avec ses parents et a enseigné la sociologie tout près de là au Morgan State College à Baltimore. Il avait l’intention de ne rester qu’un an « au pays » et ensuite de retourner au Canada pour y faire son doctorat en sociologie, y rester et y vivre.
Pendant qu’il enseignait au Morgan State College, Daniel Hill III a rencontré Donna Mae Bender, qui avait récemment obtenu un diplôme au Oberlin College en Ohio et qui travaillait à Washington. Elle était née dans le Dakota du Sud et avait grandi à Chicago dans une famille républicaine aux valeurs conservatrices en matière de race et de mariage mixte. Donna avait rejeté certains éléments de son éducation pour devenir une activiste en matière de droits de la personne. Elle était secrétaire du sénateur démocrate Herbert Lehman et, dans ses temps libres, Donna organisait des manifestations assises pour protester contre la ségrégation à Washington, une ville rigoureusement ségrégée.
Environ dix ans plus tard, lorsque les trois enfants de Donna et de Daniel furent en âge de comprendre ce genre de conversation, Donna avait l’habitude de leur raconter qu’à l’époque où elle et leur père étaient devenus amoureux, « il y avait tant de ségrégation à Washington que même dans les cafétérias des immeubles du gouvernement fédéral on ne permettait pas aux Blancs et aux Noirs de manger dans la même pièce ».
Daniel et Donna se sont mariés le 8 juin 1953 dans la chapelle où Daniel Hill II était ministre du culte sur le campus de l’université Howard à Washington. Leur projet de mariage avait causé une onde de choc dans certains cercles d’amis et dans les familles. Tant les Noirs que les Blancs s’opposaient à la nouvelle de leur fiançailles, mais cela n’a pas amené Daniel et Donna à changer d’idée. La sœur jumelle de Donna, Dorothy, l’aimait beaucoup et appuyait sa décision, mais même Dorothy avait demandé à sa sœur avec inquiétude : « Et où allez-vous vivre, en Suède ? ».
Lorsque Daniel Hill et Donna Mae Bender se sont mariés en 1953, ils allaient à l’encontre de toutes les règles établies dans les sociétés américaine et canadienne à ce moment là, étant donné qu’il était noir et qu’elle était blanche. À cette époque, les Américains s’opposaient si vigoureusement à l’idée du mariage mixte, que certains États (p. ex., la Virginie) l’avait déclaré illégal et amenaient en Cour les personnes qui s’étaient mariées malgré la différence raciale.
Quelques jours seulement après leur mariage, Daniel et Donna sont entrés au Canada dans une Plymouth Sedan 1946 usagée que Daniel avait achetée pour 300 $. Ils ont passé leur lune de miel à Québec et se sont ensuite installés à Toronto.
La décision de Daniel et de Donna causa des tensions chez certains membres de leur famille et de leurs amis, mais leur amour a survécu de même que leur dévotion l’un à l’autre, et ils sont restés ensemble jusqu’au décès de Daniel plus de 50 ans plus tard.
Les extraits video qui suivent ont été tournés au moyen d’une caméra portative, lors du mariage de Daniel Hill III et Donna Bender à Washington, le 8 juin 1953. Étaient présents Daniel Hill III, May Edwards Hill, Donna Hill Cochran et Margaret Martin (sœurs de Daniel G. Hill III), Dorothy Hampton (sœur de donna Bender). La fillette est Linda Martin, nièce de Donald Hill III.
À Toronto, Daniel et Donna tentèrent d’établir des liens dans une société plus égalitaire qui, selon eux, accueillerait bien leur couple mixte, mais la triste vérité est qu’ils ont tout d’abord eu bien de la difficulté à persuader un propriétaire de Toronto de leur louer une chambre. Enfin, après avoir échoué à plusieurs reprises lorsqu’ils ont voulu louer un petit appartement ensemble, ils ont changé de stratégie. Donna a laissé Daniel derrière et s’est faite accompagner par un de leur proche ami, un musicien de jazz blanc du nom de Don McFadyen qui s’est fait passer pour son conjoint. Accompagnée de son conjoint blanc substitut, elle n’eut aucune difficulté à louer un petit appartement dans un sous-sol (il y avait une chambre-salon, une chambre de bain et une cuisine) sur la rue Bathurst, juste au sud de l’avenue Eglinton.
Dans une entrevue avec son fils Lawrence en 2007, Donna Hill a affirmé : « Le propriétaire nous a surveillés moi et Dan pendant environ six semaines puis a décidé que nous ne lui causerions pas d’horribles problèmes et a enfin accepté de nous louer l’appartement pour 80 $ par mois plus le stationnement ».
Alors que Daniel s’attaquait à son programme de doctorat à l’Université de Toronto, Donna Hill poursuivait ses activités d’activisme en matière de droits de la personne, travaillant pour le Toronto Labour Committee for Human Rights (comité des travailleurs pour les droits de la personne de Toronto) où elle documente des situations de discrimination raciale en Ontario. Ce travail constituait un élément d’un effort plus vaste pour persuader le gouvernement de l’Ontario de promulguer des lois plus précises contre la discrimination.
Bien que Donna ait plus tard délaissé sa propre carrière pour élever ses enfants, elle n’a pas pour autant perdu intérêt dans les droits de la personne et l’histoire des Noirs. Avec quelques amis, elle et Daniel ont fondé La Ontario Black History Society en 1978, et ont travaillé pendant des années au développement de l’organisation. Donna a également écrit A Black Man’s Toronto: The Reminiscences of Harry Gairey, 1914-1980. La brochure de 43 pages constitue un recueil d’entrevues avec Harry Gairey, né en Jamaïque en 1898 et venu s’installer à Toronto en 1914 peu après son seizième anniversaire de naissance.
« Les souvenirs de Harry Gairey, un homme d’État de premier rang de la communauté noire de Toronto nous permettent de voir notre histoire au-delà de ses limites habituelles. Pendant nos longs entrevues, il a parlé de l’expérience des immigrants de race noire du début des années 1900 à nos jours, du développement de leur communauté, de la relation entre les Noirs nés au Canada et les immigrants noirs, des lois et des politiques sur l’immigration ainsi que des actes discriminatoires dont les Noirs étaient victimes chaque jour de leur vie. Ma relation avec Harry Gairey a débuté en 1953. J’étais alors secrétaire de direction pour le Toronto Labour Committee for Human Rights. On m’avait invitée à parler de la discrimination raciale pendant une réunion de la section locale du syndicat Brotherhood of Sleeping Car Porters (confrérie des Wagon-Lits Porters) à Toronto. Harry Gairey assistait à la réunion et m’a demandé plus tard si je voulais travailler avec la Negro Citizenship Association dans sa lutte pour changer les politiques d’immigration discriminatoires du Canada. Il est venu à mon bureau avec de l’information qui a mené à l’un des premiers dossiers fédéraux liés aux pratiques loyales en matière d’emploi, une affaire qui n’avait rien à voir avec les Noirs, mais qui visait un étudiant en médecine japonais qui avait postulé pour un emploi d’été comme cuisinier à CP Rail, mais dont la demande avait été rejetée. Mon amitié avec Harry commença environ 40 ans après qu’il s’est installé à Toronto. Harry avait immigré de Cuba juste avant la Première guerre mondiale, il n’avait alors que seize ans. Il n’avait eu aucun problème du côté de l’immigration, mais il y avait d’autres formes de discrimination, il y avait peu d’emplois pour eux. Harry se souvenait bien de l’époque où les Noirs préféraient être appelés « gens de couleur » et où il y avait si peu de « gens de couleur » à Toronto, qu’ils se connaissaient tous. » Extrait de l'introduction de “A Black Man’s Toronto, 1914-1980: |
Les articles de journaux à droite et ci-dessous racontent les efforts du Toronto Labour Committee for Human Rgihts, pour lequel travaillait Donna Hill, afin de montrer l’existence de la discrimination en Ontario et d’insister pour qu’on promulgue des lois plus fermes sur la discrimination.
Les articles du Toronto Star font référence à Sid Blum, qui avait commencé à travaillé pour le Toronto Labour Committee for Human Rgihts, peu de temps après que Donna Hill ait démissionné pour se consacrer à sa famille.