De 1859 à 1865, les Langton élirent domicile à Québec. En 1860, toutefois, Anne retraversa l'Atlantique pour un autre séjour prolongé en Grande-Bretagne. Cette fois, elle était accompagnée de la fille aînée de John et Lydia, Ellen, qui devait s'inscrire à l'école pour jeunes filles de Miss Lowe à Southgate, près de Londres – son oncle William ayant généreusement offert de payer ses frais de scolarité dans cet établissement. S'amorce ainsi le schème des années de maturité d'Anne : elle accompagna régulièrement ses nièces et neveux canadiens en Angleterre, où elle guida leurs excursions en leur servant de chaperon, et revint souvent au Canada avec une nièce ou un neveu anglais, à qui elle fit alors connaître ses décors « canadiens » favoris : autres excursions et autres croquis. En Angleterre, Anne reprit ses visites dans les galeries d'art et autres lieux culturels. Aux abords de la soixantaine, elle jouissait d'une liberté qu'elle n'avait pas connue au début ou au milieu de sa vie adulte. Cette liberté en vint à se refléter dans son art : esprit moins littéral, traitement plus délié de la peinture et palette plus riche. Cette plus grande facilité découle tout probablement des styles artistiques récents et de la fréquentation des œuvres d'artistes novateurs lors des expositions qu'elle allait voir, à Londres et en province. | ||
Il semble que « les beautés de la [célèbre] région des lacs » aient été à l'origine du développement artistique d'Anne (SOF, 167). Avec l'évolution de sa technique, elle adopta parfois un style plus lyrique, comme dans le croquis de Skiddaw, en bas à gauche, qui baigne dans une ambiance vaporeuse. Skiddaw est le pic le plus élevé de la région des lacs. Il domine Derwentwater, à l'angle inférieur droit, qui est le plan d'eau le plus célèbre de la région. Cette partie de l'Angleterre était une mecque pour les artistes et les écrivains, notamment John Constable, J.M.W. Turner et les poètes « romantiques » William Wordsworth et Samuel Taylor Coleridge. |
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De retour au Canada à l'été de 1862, Anne accompagna les aînés des enfants à Dalhousie, au Nouveau-Brunswick, pour des vacances de deux mois. John et Lydia restèrent à Québec; en août naquit Hugh Hornby Langton, le cadet de la famille. Anne se plaisait à organiser des « excursions » avec les enfants, et, pendant qu’ils s’amusaient, elle faisait le croquis de plusieurs ensembles de paysages en miniature. |
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À propos de cet été, Anne devait plus tard écrire :
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Ces croquis miniatures, peints à Dalhousie, sont de petits bijoux : on y retrouve l'essence cristalline des scènes côtières. La présence de ses neveux et nièces animent les croquis. Anne a réalisé plusieurs versions de cette série. |
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[Arches naturelles] Dalhousie [Nouveau-Brunswick],
1862 | ||
Après être revenue de Dalhousie, Anne, toujours prête à jouer les touristes, s’adonna à des excursions dans Québec et aux alentours. Elle travailla à des vues, destinées à son public anglais, de situations et de lieux bien connus, encadrant des scènes typiquement canadiennes. |
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Elle passa les étés de 1864 et 1865 dans un chalet de location à Pointe-Lévis, en face de Québec, sur l'autre rive du Saint-Laurent. Anne décrivait leur vie à cet endroit comme « très semblable à ce que nous avons connu à Dalhousie ». Elle emmenait les enfants en balade à la campagne, où ils se livraient « aux délices suprêmes » de la baignade (SOF, 175). Pour représenter le village indien, en haut à droite, Anne s’était placée à une distance considérable de son sujet, peut-être pour ne pas sembler s’immiscer dans un groupe social auquel elle n'appartenait pas. Trait inhabituel chez elle, elle a dépouillé l'avant-plan de ses détails coutumiers. Elle y a employé très peu des éléments d'« encadrement », tels que buissons de faible hauteur et écrans d'arbres latéraux, qui meublent la plupart de ses vues topographiques. Le village, un petit groupe de huttes primitives – qu'on aperçoit dans un plan intermédiaire lointain – est situé au bord de la rivière; une piste unique sinue depuis l'angle inférieur gauche jusqu'au centre du plan pictural. Les personnages sont assis sur le sol, s'appuient aux murs des huttes, sont debout à converser en groupes. De l'autre côté du fleuve, au loin, la Citadelle, les plaines d'Abraham et un clocher d'église rappellent aux spectateurs le contraste que forment l'héritage culturel des indigènes et celui des colons blancs. |
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