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Production de vin, 1866 à 1940 : Petit vin va loin bannière


À en croire l’opinion générale, la production de vin en Ontario a été lancée au début du 19e siècle par Johann Schiller. M. Schiller a bel et bien existé. Il a combattu pour les Britanniques pendant la Révolution américaine avant de s’installer au Haut-Canada en 1798 pour travailler comme cordonnier dans la région de Niagara. Le 23 juillet 1806, M. Schiller se voit accorder 400 acres de ce qui est à présent Mississauga, en récompense de sa participation à la Révolution.

On dit qu’il a été le premier à parvenir à cultiver des vignes à raisin, ce qui lui vaut d’être considéré comme le pionnier de la fabrication de vin au Canada. Néanmoins, peu d’éléments corroborent ses activités viticoles. Johann Schiller n’est pas mentionné avant 1929 et 1934, dans des articles rétrospectifs sur l’histoire de la fabrication de vin au Canada. Le premier article figure dans l’édition du 10 septembre 1929 du Evening Telegram, et le second, dans l’édition du 22 avril 1934 du Globe. L’article du Telegram mentionne que Johann Schiller était le créateur du cépage Clinton, tandis que celui du Globe explique que Johann Schiller avait sauvé l’industrie vinicole française en exportant des porte-greffes résistant au phylloxera. Néanmoins, ces deux articles ont été écrits plus d’un siècle après les supposés travaux de pionnier de M. Schiller, et il n’existe aucun document imprimé datant du 19e siècle qui permettrait d’attester ces affirmations. Le rôle de pionnier et de sauveur héroïque de l’industrie vinicole française de Johann Schiller pourrait donc relever davantage du mythe que de la réalité. C’est pourquoi l’exposition se concentre sur la croissance de l’industrie vinicole à partir de 1866, période pour laquelle on dispose de documents contemporains.

Pendant la deuxième moitié du 19e siècle, la production mondiale de vin fut effectivement menacée. Un insecte venu d’Amérique du Nord dévasta les récoltes de raisin partout en France et dans d’autres pays européens. Cette « crise du phylloxera » fut une belle occasion pour les pays et les colonies hors de l’Europe de s’essayer à la fabrication de vin. Les États‑Unis, les colonies britanniques – comme l’Australie et l’Afrique du Sud – et l’Amérique latine, notamment l’Argentine, investirent largement dans leur industrie vinicole, qui présentait un intérêt non négligeable pour des raisons nationales comme internationales. C’est dans ce contexte que quelques intrépides tentèrent leur chance en Ontario et lancèrent de petits établissements vinicoles. Le développement de l’industrie vinicole ne se fit pas pour autant de manière continue dans la province. Elle connut des hauts et des bas en raison du climat rude de l’Ontario et de l’éloignement des consommateurs européens.

Diagramme à bandes montrant la France, l’Italie et l’Espagne comme principaux producteurs de vin avant 1914
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Principaux pays producteurs de vin avant 1914
Production de vin (en millions d’hectolitres)
SIMPSON, James. Creating Wine: The Emergence of a World Industry, 1840-1914, p. 8, tableau 1.2



Diagramme à bandes montrant l’Algérie, l’Argentine et le Chili comme producteurs émergents de vin avant 1914
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Principales colonies et principaux pays émergents producteurs de vin avant 1914
Production de vin (en millions d’hectolitres)
SIMPSON, James. Creating Wine: The Emergence of a World Industry, 1840-1914, p. 8, tableau 1.2




1866 à 1918 : Des débuts poussifs


En Ontario, l’éclosion de l’industrie vinicole commerciale se produisit dans les années 1860 dans quatre régions différentes :

  • l’île Pelée, avec l’Américain Thaddeus Smith et la fondation du domaine Vin Villa;

  • la région de Windsor avec les entrepreneurs français Ernest Girardot et Jules Robinet;

  • Cooksville, dans l’actuelle région du grand Toronto, avec l’amateur de vin canadien-anglais Justin McCarthy De Courtenay (Association des vignerons du Canada);

  • la région de Niagara avec T. G. Bright et F. A. Shirriff (Bright’s Wines).

Dessin d’un homme cueillant du vin sur une vigne
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Dessin de Thaddeus Smith et de la production de vin au Canada en 1967. Courtoisie de la succession de Gordon Johnston. JOHNSTON, Gordon. « It Happened in Canada », London (Ontario), 1967.

Photo d’un bâtiment de deux étages en briques rouges
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L’établissement vinicole Bright’s, fondé en 1911. DEACON, Reg et Ruth. « Remaining portion of Bright’s Winery Building », 8 décembre 1997. Collections numériques de la bibliothèque publique de Niagara Falls.



Au total, on comptait 19 établissements vinicoles et producteurs de vin en Ontario de 1866 à 1918.


Ces entrepreneurs du vin avaient l’espoir de dominer le marché national, et peut-être de s’approprier une part du marché international. Toutefois, les viticulteurs et les distributeurs de vin de l’Ontario se heurtèrent à plusieurs problèmes. Les Ontariens préféraient les boissons très alcoolisées et la bière au vin, si bien que les producteurs ne pouvaient compter que sur un marché local restreint. De ce fait, les personnes désireuses de développer l’industrie vinicole nationale durent trouver des manières d’encourager les Ontariens à inclure le vin à leur consommation.


Par ailleurs, l’opposition à la consommation d’alcool s’intensifia pendant cette période. En effet, les églises protestantes mobilisèrent leurs membres pour réclamer des restrictions liées à la consommation d’alcool en public. L’affiche illustre la manière dont les dirigeants des églises faisaient la promotion de la tempérance auprès du public.

Affiche d’un événement sur la tempérance avec animation musicale
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Cette affiche invitait à assister à une conférence sur la tempérance en 1859 tenue dans une église catholique, mais l’Église catholique en tant qu’institution n’était pas au premier plan du mouvement de la tempérance.
Collection d’affiches des Archives publiques de l’Ontario
Archives publiques de l’Ontario
C 233-01-04-00-214


Photo posée en noir et blanc d’un groupe de femmes
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Cette photo montre l’Union chrétienne des femmes pour la tempérance (The Woman’s Christian Temperance Union) de Toronto.
Collection numérique de la bibliothèque publique de Toronto
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Poussées par leurs convictions chrétiennes, de nombreuses personnes affirmaient alors que la consommation d’alcool était immorale. Les femmes jouèrent un rôle important dans la campagne pour la restriction de la consommation d’alcool dans les lieux publics. Bon nombre d’entre elles se joignirent à la l’Union chrétienne des femmes pour la tempérance (The Woman’s Christian Temperance Union), fondée dans la deuxième moitié du 19e siècle. Cette organisation joua un rôle déterminant dans l’adoption de la prohibition en tant que politique publique en Ontario.  



Les gouvernements provincial et fédéral, qui prélevaient pourtant des taxes sur l’alcool, subirent des pressions visant à réduire la consommation d’alcool. Pour réglementer la consommation d’alcool, le gouvernement de l’Ontario rendit l’alcool plus difficile d’accès et lutta contre sa consommation en public. Il répondit aux appels à la prohibition en donnant davantage d’autonomie aux collectivités. Par exemple, la Loi de tempérance de 1864 (appelée aussi « Loi Dunkin ») permit aux électeurs de tenir un référendum pour pousser les municipalités à prohiber la vente de boissons alcoolisées, y compris de vin.

Affiche annonçant la tenue d’une assemblée publique
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Après l’adoption de la Loi Dunkin par le gouvernement, les partisans de la sobriété mobilisèrent tant des hommes que des femmes en leur demandant de forcer les municipalités à faire respecter la prohibition.
Archives publiques de l’Ontario
C 233-01-04-00-2054



Les partisans de la prohibition poursuivirent leurs efforts pour faire de l’Ontario une province sans alcool. Ils firent pression sur les politiciens provinciaux pour que ceux-ci imposent une prohibition et obtinrent, en 1916, l’adoption de l’Ontario Temperance Act. Cette loi vint interdire la vente et la possession de boissons alcoolisées, sauf à la maison, mais elle n’empêcha pas la fabrication de boissons alcoolisées. Elle prévoyait une exemption pour les vins locaux. Le contexte social et politique limita la croissance de l’industrie vinicole pendant les premières années de son existence. 

Malgré ces obstacles, plusieurs viticulteurs de l’Ontario, bien souvent de petites entreprises ou des entreprises familiales, connurent une certaine réussite à l’échelle nationale. Toutefois, ils ne parvinrent généralement pas à s’approprier une part significative du marché international en raison des difficultés inhérentes à la culture du raisin dans un climat plutôt froid et en raison de la concurrence d’autres colonies britanniques, comme l’Afrique du Sud et l’Australie. Les viticulteurs australiens s’approprièrent notamment une part du marché britannique malgré d’importants coûts de transport, car ils bénéficiaient d’une aide de l’État.



: Affiche vantant le succès du vin Pure Grape de W. W. Kitchen
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Le vin Pure Grape de W. W. Kitchen était fabriqué à partir de raisin Labrusca provenant de la région de Grimsby. Ce vin reçut de nombreux prix dans des compétitions vinicoles municipales. W. W. Kitchen atteignit un vaste public en présentant son vin à la fois comme un vin médicinal et un vin de messe. Auteur inconnu. The Canadian almanac and repository of useful knowledge for the year 1866, being the second after leap year, Toronto, W.C. Chewett, 1866.
Collection en ligne du musée de Grimsby.

Couverture d’une brochure pour une société de viticulture et de mise en conserve de fruits
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En 1868, W. W. Kitchen distribua cette circulaire pour promouvoir la possibilité d’acheter des parts de la nouvelle société « Grimsby Grape Growing, Wine Making and Fruit Canning ».

« Circulaire de Grimsby Grape Growing : Wine Making and Fruit Canning Company », Grimsby (Ontario), 1868. Collection du musée de Grimsby.

Bien que l’industrie vinicole commerciale en Ontario soit restée de taille modeste pendant cette période, l’enthousiasme à l’égard de la viticulture était au rendez-vous. Des publications sur les méthodes de viniculture furent largement distribuées. Le document How Every Farmer in Canada May Plant a Vineyard and Make His Own Wine, de J. M. De Courtenay, publié en 1866, en est un exemple.

1919 à 1929 : Un coup de pouce de la prohibition américaine

Les viticulteurs et les producteurs de vin de l’Ontario se réjouirent du début de la prohibition aux États Unis, en 1919. En effet, la demande élevée et l’absence forcée de concurrence américaine transformèrent l’industrie vinicole en Ontario.

Alors que la prohibition sévissait aux États-Unis, en Ontario, elle fut remplacée en 1927 par la Loi sur les alcools, plus souple. Les Ontariens pouvaient désormais boire en public sans craindre de sanction. Le mouvement de la tempérance s’opposa à cette nouvelle politique publique, ses partisans craignant un retour à ce qu’ils qualifiaient d’alcoolisme public sauvage. Ils exercèrent des pressions sur le gouvernement pour le pousser à limiter le nombre d’établissements autorisés à vendre de l’alcool et à contrôler l’achat d’alcool dans les magasins qu’il gérait.

Le nombre d’établissements vinicoles augmenta ainsi considérablement au cours des années 1920 avec l’établissement de quarante-cinq nouveaux établissements vinicoles, viticulteurs et distributeurs de vin en Ontario. La proximité géographique du marché américain fut une incitation économique à la production de vin. Les vins canadiens étaient fournis à des trafiquants d’alcool qui l’offraient à leurs clients américains assoiffés. En comparaison de la période précédente, ce fut un âge d’or pour les producteurs et les exportateurs de vin de l’Ontario.


Photo posée en noir et blanc d’un panneau publicitaire pour le « Niagara Grape Juice
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« Niagara Grape Juice », de la Niagara Falls Wine Company, 1914
Archives de la Ville de Toronto, Fonds 1488, série 1230, pièce 1256

Plusieurs régions bénéficièrent de cette croissance exponentielle. Outre l’île Pelée et les régions de Windsor et de Niagara, des viticulteurs et des exportateurs de vin entrèrent en activité à Fort Erie, à Guelph, à Hamilton, à Kitchener, à London, à Ottawa, à Sault Ste. Marie, à Thunder Bay (avec la Twin City Wine Company en 1918) et à Toronto. Fait à noter, la composition ethnique de l’industrie évolua également, avec l’arrivée dans bon nombre de ces régions d’une population italienne forte de son amour du vin et de son expérience dans le domaine. Plusieurs Italiens devinrent producteurs, vendeurs et exportateurs de vin.

1930 à 1939 : Adaptation et consolidation

De 1922 à 1940, l’Ontario domina la production et la vente de vin au Canada. Au cours de cette période, la province produisit, vendit et exporta entre 98 % (pendant les années 1920) et 85 % (pendant la seconde moitié des années 1930) du vin canadien.

Exportations de vin canadien

Pendant la prohibition, le gouvernement américain insista pour que les autorités canadiennes mettent un terme aux exportations de vin vers les États‑Unis. Ce graphique laisse à penser que le gouvernement canadien se plia aux demandes de son homologue américain de 1931 à 1933.

En 1933, le gouvernement américain mit fin à la prohibition, privant les établissements vinicoles de l’Ontario de leur accès à un marché lucratif. Il s’ensuit que le nombre d’établissements vinicoles diminua de moitié, passant de 52 en 1931 à 25 en 1940. Les établissements restants durent s’adapter pour survivre. Subissant les contrecoups de la Grande Dépression et de la fin de la prohibition américaine, de nombreux établissements vinicoles partout en Ontario cessèrent leurs activités, furent vendus ou encore furent absorbés par de plus grands établissements. D’autres relocalisèrent leurs opérations aux États‑Unis. Par exemple, Meconi Wines Ltd déménagea à Paw Paw, au Michigan, et changea de nom pour devenir St. Julian Winery en 1941.

Les vignobles au Canada, 1922-1940



Photo en noir et blanc de devantures de magasins, l’un d’entre deux arborant une grande enseigne de Danforth Wines
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Voici un exemple de vendeur de vin ayant ouvert ses portes dans les années 1920. Il s’agit de la Danforth Wines Corporation Limited, établie à Toronto. Elle ouvrit ses portes en 1926 et cessa ses activités en 1948.
Archives de la Ville de Toronto

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