Le théâtre en Ontario est profondément enraciné dans le passé. Pendant des siècles, des artistes autochtones se servent de costumes et effets élaborés dans le cadre de différentes traditions de récits sur tout le territoire que nous appelons maintenant l’Ontario. Le théâtre joué dans la tradition européenne commence avec les premiers colons, mais connaît une ascension dans les années 1800 grâce à l’industrialisation, à l’expansion et au divertissement fournis par les officiers de la garnison britannique, les acteurs amateurs locaux et des troupes d’acteurs itinérants. Ces fondements du récit et des représentations jouent un rôle essentiel dans le façonnement de l’art dramatique en Ontario dans les décennies qui suivent.
Deux acteurs en prestation avec un fusil et une bouteille d’alcool [1895-1910]
Fonds Bartle Brothers
C 2-0-0-0-1801
Archives publiques de l’Ontario,
I0056341
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Journal de Larratt William Smith, du 12 septembre 1839 au 24 janvier 1841
Manuscrits de la collection Baldwin
S 102
Bibliothèque de référence de Toronto
« Nous sommes allés au théâtre à l’hôtel de ville – nous avons vu les pièces Hunter of the Alps & Perfection. Jeu très tolérable [d’une] troupe anglaise. »
- Entrée du 2 août 1840 dans le journal de Larratt William Smith |
L’amélioration du transport contribue à l’élargissement des représentations théâtrales en Ontario à la fin du 19e siècle. L’inauguration du canal Érié en 1825 et l’expansion des lignes ferroviaires dans les décennies qui suivent relient les centres théâtraux américains aux Grands Lacs. Ces voies de transport donnent lieu au premier vedettariat d’acteurs américains jouant dans les circuits théâtraux — des tournées rentables durant lesquelles les troupes présentent le même spectacle dans de grandes villes aux États-Unis et au Canada.
Carte de la Grand Trunk Railway (Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada) et de ses correspondances dans Grand Trunk Railway Time-tables and International Railway Guide, 2e éd.
(Montréal : M. Longmoore & Co., 1865)
Dépliants des chemins de fer et de navigation,
Boîte 14, A-3
Collection de la bibliothèque des Archives publiques de l'Ontario, I0074041
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Concert AOF, Église méthodiste, Richmond Hill, mettant en vedette E. Pauline Johnson (Tekahionwake), 1892
Collection d'affiches des Archives publiques de l'Ontario
C 233-1-4-0-1829
Archives publiques de l’Ontario, I0053559
Cette affiche de 1892 illustre l’importance des circuits théâtraux et des artistes locaux pour l’évolution de l’art dramatique en Ontario. La publicité met en évidence la poète et artiste E. Pauline Johnson (Tekahionwake), qui connaît le succès en adaptant son patrimoine autochtone aux traditions théâtrales et littéraires européennes. Pour attirer le public, l’affiche mentionne que Johnson a déjà « acquis une excellente notoriété non seulement au Canada, mais également en Angleterre et aux États-Unis », et qu’elle a « récemment conquis de larges publics à Toronto, Hamilton et dans d’autres villes ». |
Les villes et municipalités de l’Ontario — qui grossissent en raison de l’industrialisation et de la prospérité économique — sont témoins d’un essor important dans la construction de théâtres dans la deuxième moitié des années 1800. L’un de ces premiers théâtres est le théâtre Lyceum de Toronto, inauguré par la nouvelle troupe de la ville appelée Amateur Theatrical Society en 1846. Les représentations habituelles incluent des pièces britanniques (en particulier les œuvres shakespeariennes) ou des spectacles inspirés de la littérature américaine.
L’influence du théâtre américain en Ontario se retrouve également dans l’ascension des minstrels à compter du milieu des années 1800, et renforcée par la prolifération du vaudeville dans les décennies à venir. Popularisés par les troupes de théâtre américaines se produisant à Toronto, les numéros de minstrels étaient un incontournable des revues musicales professionnelles et amateur et se composaient habituellement d’interprètes masculins s’exprimant ou chantant dans un dialecte noir imaginaire et arborant un « blackface » — un maquillage pour le visage créé à partir de liège brûlé et broyé mélangé à de l’eau ou à de la gelée de pétrole.
Des acteurs blancs ainsi que certains acteurs noirs apparaissaient dans les numéros de
« blackface » au 19e siècle, alors que des membres de troupes de minstrels noirs étaient forcés d’exécuter des numéros racistes exigés par le public afin de pouvoir monter sur scène. Les interprètes arborant le « blackface » mettaient souvent en scène le roman de 1852 de Harriet Beecher Stowe, La Case de l'oncle Tom, qui alimentait le mythe voulant que le Canada soit un refuge sûr pour les Afro-Américains qui fuyaient l’esclavage. Ces numéros étaient des caricatures basées sur des stéréotypes racistes, et légitimisaient et perpétuaient l’exclusion des Noirs de la société ordinaire ainsi que la perception d’une identité canadienne. Les spectacles de minstrels ont été courants dans les spectacles amateurs préparés par les écoles, églises et clubs sociaux de la province jusqu’à la fin du 20e siècle; des générations d’hommes, femmes et enfants blancs ont participé à ces productions, assurant ainsi de façon efficace le maintien d’idéologies racistes envers les personnes noires en Ontario. Cette forme d’imitation raciale a empêché la pleine participation des Canadiens de race noire à la vie communautaire et à l’édification du pays — un moyen de ségrégation qui continue d’avoir un impact direct sur la vie des personnes noires en Ontario encore à ce jour.
La conception des théâtres prend de l’ampleur dans les années 1870 et 1880 avec la construction des premiers opéras de l'Ontario. Le Grand Opera House, un opéra richement décoré inauguré à Toronto en 1874, peut accueillir plus d’un millier de personnes. Le bâtiment est également doté de technologies innovantes, y compris un éclairage au gaz pouvant être allumé ou éteint à l’aide d’un simple interrupteur électrique.
Bien que le nom « opéra » suggère une certaine respectabilité dans une époque de sensibilités victoriennes, peu d’opéras étaient présentés dans ces salles. La plupart des salles présentaient des comédies musicales ou farces, des œuvres dramatiques, du théâtre amateur, des spectacles de ménestrels et des mélodrames de troupes itinérantes, par exemple Only a Farmer’s Daughter, jouée par une troupe de théâtre amateur de St. Catharines (Ontario), vers 1891. Les photographies de format cabinet ci-dessous pourraient avoir servi à promouvoir le spectacle ou avoir été vendues en tant que souvenirs.
Premier acte - Liz Stark:
« Arrière! Si vous tenez
à la vie. » Mlle Cleveland et Messieurs Groves et Moore dans Only a Farmer's Daughter, [vers 1891]
Fonds Edwin Poole
C 6-1-0-0-1
Archives publiques de l’Ontario, I0010507
Premier acte - Mollie: « Justine - Est-ce elle qui provoque une telle agitation chez toi? »; Only a Farmer's Daughter,
[vers 1891]
Fonds Edwin Poole
C 6-1-0-0-5
Archives publiques de l’Ontario, I0010510
Deuxième acte - Madame Laurent : « Embrassez-moi, sinon je crie. » Mlle Cleveland et M. Carlisle dans Only a Farmer's Daughter, [vers 1891]
Fonds Edwin Poole
C 6-1-0-0-8
Archives publiques de l’Ontario, I0010513
Les théâtres de l’Ontario accueillent certains des artistes internationaux les plus célèbres de l’époque. Sarah Bernhardt de France se produit dans de nombreuses salles de l'Ontario à la fin des années 1800, et sa prestation dans La Tosca à l’Academy of Music de Toronto en 1891 est décrite par le Globe comme étant « l’un des principaux événements dramatiques de la saison ». En outre, la Lyceum Company d’Angleterre, qui compte dans ses rangs le renommé acteur britannique Henry Irving, effectue plusieurs tournées en Amérique du Nord, y compris une représentation au Grand Opera House de Toronto en 1884.
Affiche-programme et illustration de Sarah Bernhardt pour la pièce La Tosca à l’Academy of Music de Toronto (Ontario), 29 octobre 1891
Album de découpures de la famille Hendrie
F 276
Archives publiques de l’Ontario, I0074053
Reproduction d’une gravure d’Henry Irving dans le journal new-yorkais Spirit of the Times: A Chronicle of the Turf, Agriculture, Field Sports, Literature and the Stage, 1883 [gravure originale de 1882]
Album de découpures de la famille Hendrie
F 276
Archives publiques de l’Ontario, I0074054
Affiche-programme pour les productions Charles I et Louis XI de la Lyceum Company mettant en vedette M. Henry Irving au Grand Opera House, Toronto (Ontario), 23 février 1884
Album de découpures de la famille Hendrie
F 276
Archives publiques de l’Ontario, I0074055
Même si les projecteurs sont souvent braqués sur les vedettes internationales et les troupes itinérantes qui présentent des pièces américaines et britanniques, de nombreuses productions dans l'Ontario du 19e siècle sont écrites et mises en scène par des amateurs locaux. Fanny Marion Chadwick était une dramaturge et actrice amateur de Toronto dont les pièces ont mobilisé et cultivé le talent des artistes locaux. Voyez les propres notes de Chadwick sur le programme de sa farce Scandal (1892) pour découvrir ses réflexions concernant les aptitudes des acteurs de l'Ontario!
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[Programme pour Scandal, une farce en deux actes de Marion Chadwick, dans le Journal de F. Marion Chadwick, Toronto], 1892
Fonds Fanny Marion Chadwick
F 1072
Archives publiques de l’Ontario, I0074043
Chadwick observe que Tiny Ruthven, qui tient le rôle de « Bertie » (Lady Willowsby), « était encore meilleure qu’avant »; Claude Norrie, qui joue le rôle de Lord Willowsby, « était très bien [et] jouait parfaitement son rôle »; Bert Winans, dans son rôle du capitaine George Audley était « meilleur que jamais »; Jim McMurray, dans le rôle de Dennis, était « effacé »; Dick Chadwick, dans le rôle de Jehosaphat, « a pris [le] public d’assaut. » |