La vallée de l’Ohio et les Grands Lacs furent des régions stratégiquement importantes durant la guerre de Sept Ans (1756-1763). Après des succès français initiaux, les Britanniques détruisirent le fort Frontenac en 1758 et capturèrent le fort Niagara en 1759; les autres forts furent alors détruits par les troupes françaises ou se rendirent après un minimum de résistance. Par le traité de Paris (1763), la France céda à la Grande-Bretagne toutes ses possessions à l’est du Mississippi (sauf Saint-Pierre-et-Miquelon) et les territoires à l’ouest du Mississippi devinrent espagnols. |
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Pour les Canadiens, comme on appelait alors les descendants des premiers colons français, la Conquête signifiait une domination et des lois criminelles et (au début) civiles étrangères; elle représentait aussi la perte de l’accès à certaines parties de l’intérieur. La région des Grands Lacs fut d’abord désignée « territoire indien » (1763). Elle fut par la suite rattachée à la Province de Québec et le code civil français y fut restauré. La Révolution américaine apporta d’autres changements. Le traité de Versailles vit la reconnaissance de l’indépendance des États-Unis et fixa la nouvelle frontière sur les Grands Lacs. Les Loyalistes émigrèrent vers les colonies britanniques, ce qui amena la création du Haut-Canada, avec une population majoritairement anglophone et la « Common Law » britannique. |
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À travers ces changements, des Canadiens continuèrent à jouer un rôle dans la vie économique et politique de ce qui devint le Haut-Canada. Voici l’histoire de quelques-uns d’entre eux. |
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Un marchand montréalais nommé Jacques Duperon Baby (1731-1789) s’installa à Détroit à l’époque de la Conquête. En partenariat avec ses frères à Montréal, il maintint une présence canadienne dans le commerce des fourrures. Le rôle joué par Jacques à Détroit ne fut pas limité au commerce. Il devint également un propriétaire foncier et un fonctionnaire. Il fut nommé officier et interprète du département des Affaires indiennes en 1777, puis capitaine de milice et juge (1788). |
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Les Baby consolidèrent leur position économique par des alliances, tant commerciales que matrimoniales, avec des familles canadiennes et britanniques de Détroit et de Montréal. Leurs descendants continuèrent à jouer un rôle important dans la vie politique et économique du Haut comme du Bas-Canada à la fin du 18e siècle et tout au long du 19e; un d’entre eux était le fils de Jacques, Jacques (James) (1763-1833). Le tableau ci-dessous dépeint l’ouverture de la première session de l’Assemblée législative du Haut-Canada. James Baby est l’homme dont la tête est encerclée. |
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Le premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, John Graves Simcoe, nomma James Baby un des premiers membres des conseils exécutif et législatif en 1792. Entre 1792 et 1830, James détint plus de 115 postes au sein de l’administration coloniale, y compris ceux de capitaine de milice, juge de paix et inspecteur général des finances. Il faisait aussi partie du « Family Compact », le groupe conservateur qui contrôlait la vie politique du Haut-Canada durant la première moitié du 19e siècle. |
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Les succès de James ne furent pas limités à la politique. Malgré des pertes encourues lors de l’évacuation de Détroit par les Britanniques en 1796 puis durant la guerre de 1812, ainsi que le déclin du commerce des fourrures dans la région des Grands Lacs, Baby conserva une solide position financière. À sa mort, il possédait des terres dans diverses parties du Haut-Canada, notamment le sud-est et York (Toronto). |
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Jean Baptiste Rousseau (1758-1812) était le fils d’un marchand originaire de Montréal, Jean-Bonaventure, qui avait établit un comptoir de traite sur le site d’un des anciens forts français de Toronto, en 1770, et avait servi à titre d’interprète au sein du département des Affaires indiennes. |
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Jean Baptiste fut lui aussi un interprète et un marchand. Il commerça bientôt avec les Mississaugas et les Six-Nations (Iroquois), sur un territoire s'étendant de la baie de Quinte à la Grand. Son mariage avec Margaret Clyne, une femme blanche adoptée par le chef mohawk Thayendanegea (Joseph Brant) facilita ses relations tant avec les Premières nations qu’avec les autorités coloniales. C’est également afin de faciliter ses rapports avec les autorités que Rousseau utilisa occasionnellement une forme anglicisée de son prénom, John Baptist. |
Cliquer pour un agrandissement (182ko) Certificat de mariage, John Baptist Rousseau | ||
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Rousseau s’installa avec sa famille sur le site du magasin de son père à Toronto, en 1792. |
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Deux ans plus tard, Rousseau s’établit à Ancaster, où il bâtit un magasin général et un moulin. Il possédait des terres à Ancaster et sur la Thames. Rousseau continua à servir à titre d’interprète; il devint un collecteur d’impôt et, à titre d’officier de milice, accéda au rang de lieutenant-colonel. Rousseau servit à ce rang au début de la guerre de 1812, mais il tomba malade et mourut en novembre 1812. |
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Laurent Quetton (1771-1821) naquit dans le sud de la France. Opposé à la Révolution française, il quitta son pays en 1791 et combattit dans les rangs de régiments d’émigrés en Allemagne, aux Pays-Bas et en Bretagne, atteignant le grade de major. En 1795, il vint en Angleterre, où il ajouta St. George à son nom. |
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En 1798, il se joignit à un groupe de royalistes français, dirigés par le comte de Puisaye, qui avaient été autorisés par le gouvernement britannique à s’établir dans le comté de York, au Haut-Canada. Les Britanniques visaient un double objectif en choisissant cet emplacement : installer les nouveaux colons, des soldats d’expérience, près de York (Toronto) et les garder à distance des populations francophones du Bas-Canada et de Sandwich (Windsor). La colonie, nommée Windham en l’honneur du ministre britannique responsable des colonies, fut un échec, les aristocrates français qui formaient le noyau du groupe de colons ne parvenant pas à s’ajuster à leur nouvelle existence. En 1802, la plupart d’entre eux étaient retournés en Grande-Bretagne ou s’étaient tournés vers d’autres activités. |
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La carte ci-dessous montre le site proposé pour la colonie de royalistes français du comté de York (encerclé). L’inscription reproduite ici apparaît au verso de la carte. |
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Quetton St. George s’établit à York et devint un marchand. Son commerce, spécialisé dans l’importation, devint bientôt l’un des plus importants du Haut-Canada, avec des succursales à Amhertsburg, Dundas, Kingston et Niagara. Il acquit également des terres dans diverses parties de la colonie. Même s’il ne fit pas partie de l’élite de York, il était tenu en estime. |
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Certificat de bon caractère émis pour Laurent Quetton St. George, 1815 |
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Quetton St. George se rendit en France lorsque la monarchie y fut restaurée en 1815, confiant ses intérêts financiers à ses associés, William et John Baldwin et Jules-Maurice Quesnel. Il avait prévu retourner au Haut-Canada mais demeura finalement en France. En 1820, il vendit ses intérêts dans son commerce à ses partenaires. Ses terres dans le Haut-Canada, qu’il avait léguées à son fils Henry, furent confisquées par le gouvernement en 1831 comme propriétés étrangères. |
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